La fin de l’inscription de l’hypothèque légale du syndicat des copropriétaires ? …. Non !

La fin de l’inscription de l’hypothèque légale du syndicat des copropriétaires ? …. Non !

Publié le : 07/03/2022 07 mars mars 03 2022

Certaines notes de professionnels de la copropriété laissent penser que suite à la réforme des sûretés, le syndicat des copropriétaires n’aurait plus l’obligation de procéder à l’inscription de son hypothèque légale pour faire valoir cette sureté, l’hypothèque légale spéciale du syndicat des copropriétaires étant désormais « dispensée d’inscription ».

Il s’agit ici d’une erreur d’interprétation et beaucoup de syndics nous ont interrogé.

La réforme des sûretés issue de l’Ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 n’a à notre sens et sur ce point aucune influence sur les pratiques antérieures, et le privilège spécial immobilier du syndicat des copropriétaires, s’il a disparu des textes principaux, est remplacé par « l’hypothèque légale spéciale du syndicat des copropriétaires, dispensée d’inscription. »

Cette hypothèque légale spéciale a un champ d’application limité.
 

Les textes de référence sont désormais les suivants : 

 

Article 2418 du code civil :

Les hypothèques légales, judiciaires et conventionnelles n'ont rang que du jour de leur inscription prise au fichier immobilier, dans la forme et de la manière prescrites par la loi.

Par exception, l'hypothèque prévue au 3° de l'article 2402 est dispensée d'inscription. Elle prime toutes les autres hypothèques pour l'année courante et pour les deux dernières années échues. Elle vient en concours avec l'hypothèque du vendeur et du prêteur de deniers pour les années antérieures.

Lorsque plusieurs inscriptions sont prises le même jour relativement au même immeuble, leur rang respectif est déterminé comme suit, quel que soit l'ordre qui résulte du registre prévu à l'article 2447 :

- l'inscription d'une hypothèque légale est réputée d'un rang antérieur à celui de l'inscription d'une hypothèque judiciaire ou conventionnelle ; et s'il y a plusieurs inscriptions d'hypothèques légales, elles viennent en concurrence, sauf s'il s'agit de l'hypothèque spéciale du vendeur et de l'hypothèque spéciale du prêteur de deniers, la première étant réputée antérieure à la seconde ;
- en présence de plusieurs inscriptions d'hypothèques conventionnelles ou judiciaires, celle qui est prise en vertu du titre portant la date la plus ancienne est réputée d'un rang antérieur ; et si les titres ont la même date, elles viennent en concurrence.
 

L’article 2402 du code civil prévoit :

Outre celles prévues par des lois spéciales, les créances auxquelles une hypothèque légale spéciale est attachée sont les suivantes :

1° La créance du prix de vente d'un immeuble est garantie sur celui-ci ;

2° La créance de celui qui a fourni les deniers pour l'acquisition d'un immeuble est garantie sur celui-ci pourvu qu'il soit authentiquement constaté par l'acte d'emprunt que la somme était destinée à cet emploi, et par la quittance du vendeur que ce paiement a été fait des deniers empruntés ;

Les créances de toute nature du syndicat des copropriétaires relatives à l'année courante ainsi qu'aux quatre dernières années échues sont garanties sur le lot vendu du copropriétaire débiteur ;


L’article 19 – 1 de la loi du 10 juillet 1 965 dispose que : 

Toutes les créances mentionnées au premier alinéa de l'article 19 sont garanties par l'hypothèque légale prévue à l'article 2402 du code civil.


Il semble exister une maladresse rédactionnelle, soit de l’article 2402 du Code Civil, soit de l’article 19-1 de la loi du 10 juillet 1965 puisque ces textes semblent limiter l’hypothèque légale aux seules créances relatives à l'année courante ainsi qu'aux quatre dernières années échues garanties sur le lot vendu du copropriétaire débiteur ;

Mais les deux premiers alinéas de l’article 19 de la Loi du 10 juillet 1965 rappellent :

Les créances de toute nature du syndicat à l'encontre de chaque copropriétaire sont, qu'il s'agisse de provision ou de paiement définitif, garanties par une hypothèque légale sur son lot. L'hypothèque peut être inscrite soit après mise en demeure restée infructueuse d'avoir à payer une dette devenue exigible, soit dès que le copropriétaire invoque les dispositions de l'article 33 de la présente loi.

Le syndic a qualité, sans autorisation préalable de l'assemblée générale, pour faire inscrire cette hypothèque au profit du syndicat, en consentir la main levée et, en cas d'extinction de la dette, en requérir la radiation.

Il ressort de ces textes que l’hypothèque légale du syndicat des copropriétaires sur :

1- Les créances de toute nature du syndicat des copropriétaires relatives à l'année courante ainsi qu'aux quatre dernières années échues [précédent la mutation] sont garanties sur le lot vendu du copropriétaire débiteur ; et sont dispensées d’inscription
2- Les créances de toute nature du syndicat des copropriétaires relatives aux années antérieures ne sont pas dispensées d’inscription pour protéger le Syndicat [années antérieures].

***
L’hypothèque de l’article 2402 du code civil étant dispensée d’inscription, elle demeure occulte.

Occulte pour les autres créanciers inscrits, pour le notaire chargé de la mutation, le cas échéant pour le mandataire judiciaire représentant des créanciers etc…

L’article 20 portant sur l’opposition du syndicat des copropriétaires dispose que l’opposition régulière vaut au profit du syndicat mise en œuvre du privilège mentionné à l’article 19 – 1.

En d’autres termes, s’agissant d’une Hypothèque légale dispensée d’inscription, la seule manière de la mettre en œuvre est, au regard des textes, l’opposition de l’article 20.

Comme antérieurement, cette garantie ou privilège maintenu pour le syndicat des copropriétaires nécessite une opposition, 

Enfin, cette protection ne joue qu’en cas de mutation du bien immobilier, ce qui oblige, en cas d’existence d’une dette, d’inscrire une hypothèque légale, comme auparavant.

Cela, au risque de perdre rang au profit d’autres créanciers titulaires d’hypothèques publiées, pour toutes les sommes antérieures à N-5 et de priver de toute protection les créances n’entrant pas dans le délai à rebours de l’article 2402.


En effet, il convient, par cette hypothèque légale de protéger les créances antérieures à N- 5 en cas de mutation, le cas échéant, et de prendre rang, en cas de vente, pour ces créances.

Par principe, lorsque perdure une dette, il est impossible de savoir par avance si le lot de copropriété fera l’objet d’une mutation dans la période de protection.

Le délai de protection compris entre 4 et 5 ans, insusceptible de suspension, peut en effet s’écouler très rapidement, après la naissance de la dette (procès, surendettement, moratoire et autres…).
***
Par ailleurs, et ce point nous paraissant important, le caractère occulte de l’hypothèque légale de l’article 2402 ne permet pas au syndicat des copropriétaire de bénéficier de l’avertissement personnel du représentant des créanciers (mandataire judiciaire)  au créancier dont une sureté a été publiée, avis  prévu à l’article L.622-24 du Code de commerce, seul cet avis au syndic faisant dans ce cas débuter le délai de déclaration de créance de deux mois (délai de forclusion) ( et non la simple publication au BODACC).

Le caractère occulte de la sureté empêche également d’opposer au notaire les hypothèques non publiées à défaut d’opposition.

Nous restons à votre disposition pour toute explication complémentaire utile.

Jean-Sébastien TESLER, Avocat
Jennifer POIRRET, Avocate

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